Comment gérer une belle-mère impossible

C’est un fait: au royaume des belles-mères, nous ne sommes pas toutes égales, hélas. Il y a les chanceuses, celles dont les belles-mères sont sympas, offrent des jolis cadeaux et se font discrètes, et puis les autres, c’est à dire presque tout le monde. Moi je suis pratiquement hors compétition, la championne des chanceuses en matière de belle-mère, parce qu’elle habite au pôle nord. Je sais, c’est le fantasme absolu, le rêve inavoué de beaucoup d’entre vous: avoir une belle-mère invisible. Il fallait épouser un étranger, mes chéries; question belle-mère, c’est le jackpot. Primo, elle habite loin, très loin. Quand on est domicilié en Laponie ou en Nouvelle-Zélande, c’est un peu plus difficile de déranger, en passant à l’improviste le samedi soir. Avec une belle-mère qui vit dans un autre pays, on échappe complètement au fameux déjeuner du dimanche, qui selon certains historiens, est une des causes de la première guerre mondiale. Deuxio, dans les rares occasions où on arrive à se voir, la barrière de la langue, ça freine un peu les ardeurs question petites piques et sous-entendus sournois. Quand on ne se comprend pas trop, on a tendance à sourire beaucoup plus et à hocher poliment la tête.

Mais pour celles qui sont bien là, il y a plusieurs profils de belle-mères névrotiques potentiellement dangereuses pour la santé de votre couple; vous avez probablement récolté l’un des spécimens ci-dessous. Selon le profil de la bête, la manière de s’en sortir sera bien différente.

L‘hystérique:

C’est ce qu’on appelle poliment une caractérielle. La tchatche de Marthe Villalonga, le volume sonore de la Castafiore. Elle parle fort, tempête, attire l’attention sur elle, et n’a pas la langue dans sa poche. Ses proches parlent avec affection de son „fort caractère“: vous, vous voyez surtout une chieuse professionnelle.

Signes distinctifs: Fort débit de parole, haut volume sonore. Avec elle, vos tympans sont mis à rude épreuve. Lorsqu’elle parle normalement, on a l’impression qu’elle hurle, et si elle s’énerve, elle peut vous péter une vitre à 10 mètres. Elle aurait pu faire une belle carrière à l’opéra, surtout dans les drames. Car un autre signe distinctif de cette belle-mère est l’exagération permanente. Comme elle est très angoissée et légèrement parano, elle s’imagine toujours le pire. Elle n’arrive pas à vous joindre depuis plus de douze minutes? Elle appelle police-secours, comme Madame Sarfati dans le sketch d’Elie Kakou. Vous parlez d’héritage? Vous souhaitez probablement sa mort, elle qui vous aime tant. Votre enfant tombe et se couronne un genou? Le temps que vous sortiez le Mercurochrome, elle a déjà appelé le Samu. Le postier s’est trompé de boîte aux lettres? Elle fonce faire un scandale. C’est la commedia dell’arte, et c’est épuisant.

Problèmes: Les conflits permanents: comme elle a tendance à dramatiser, les désaccords les plus anodins se transforment vite en disputes. Portes qui claquent, déclarations tragiques („de toutes façons, tu ne m’as jamais aimée“), on est chez elle comme au théâtre. Le hic, c’est que vous êtes les protagonistes, et que la pièce n’est pas toujours amusante.

Que faire? Surtout, pas d’attaque frontale. Ne jamais surenchérir ou rentrer dans l’engrenage. Quand elle élève la voix, parler encore plus doucement. Face à la déferlante émotionnelle, rester dans le rationnel. Ne pas répondre „vous faites une montagne pour pas grand chose“, mais plutôt „Le fait qu’on ne puisse pas venir dimanche à cause d’un problème d’agenda ne change rien aux sentiments qu’on vous porte, belle-maman“. Evidemment, si vous êtes vous-même soupe au lait, c’est une configuration délicate et ça promet des lendemains explosifs.

Le gourou

Cette belle-mère là, elle a trouvé la Voie. Qu’elle soit adepte de Vishnou, du manger bio ou de zététique, elle est persuadée d’avoir trouvé Le chemin du bonheur, de détenir l’Unique Pensée valable. Elle comme elle veut votre bien, elle va tout tenter pour vous convertir.

Signes distinctifs: elle se balade avec un pendule comme le professeur Tournesol, affiche des signes religieux ostentatoires, commande toujours un menu spécial au restaurant: „votre tournedos végétarien, il est cuit avec de l’huile de colza?”, pose des questions étranges aux gens qu’elle rencontre pour la première fois: „vous n’avez pas Vénus en Capricorne par hasard?“ Bref elle fait tout pour se distinguer.

Problèmes: la répétition et la leçon permanente. Archi prévisible, elle fonctionne sur le mode de la pensée unique. Tout tourne autour de sa croyance. Si son truc, c’est le bio, vous ne pouvez plus manger un oeuf à la coque sans qu’elle vous explique d’un ton docte les méfaits de l’élevage de poulet en batterie. Tous vos maux sont de la faute de votre alimentation et elle veut bien vous expliquer comment guérir de tout, tout de suite.

Si son dada, c’est le spirituel, c’est la même chose: tous vos problèmes sont dûs au fait que vous ne suivez pas la pensée Vishnou, alors que cela sauverait votre âme des flammes de l’enfer. Elle essaye par tous les moyens de vous attirer dans sa secte; en guise de cadeau d’anniversaire, elle vous offre une retraite „détox“ dans un cloître sur le mont Ventoux: huit jours à ingurgiter de l’huile de foie de morue en méditant sur le karma intérieur. Curieusement, vous préférez partir entre copines à Mykonos, ce qui est extrêmement nocif pour vos chakras, elle vous aura prévenue.

Sa passion peut être aussi la politique: elle est de toutes les manifs contre les barrages, vous demande de l’aider à distribuer des tracts écolos ou vous abreuve de discours sur la lutte des classes. D’ailleurs, si elle avait réussi à embrigader son fiston, elle vous en veut, car depuis qu‘il vous a rencontrée, sa fidélité à la cause s’est relâchée, et il préfère un dîner en tête à tête qu’un happening sur le périf.

Toujours débordée d’activités, ce n’est pas vraiment une mamie gâteau traditionnelle avec vos enfants: non, samedi prochain, elle ne peut pas garder le petit, elle anime une conférence Herbal Life. Votre belle-mère, c’est un peu le terreau fertile des dictatures. Vous la verriez bien en Corée du Nord, exécuter fièrement une choré dans un stade de 5000 personnes.

Quelques exemples: Brigitte Bardot avec les animaux, Arlette Laguiller avec la politique, Gwyneth Paltrow pour l’hygiène de vie. A force de faire régner la terreur bio à la maison, elle a fait fuir Chris Martin, c’est malin.

Que faire? Restez ferme dans vos convictions à vous, n‘essayez pas de faire semblant d’être d’accord tout en n’en pensant rien, sinon les mensonges vont s’accumuler et vous ne vous en sortirez plus. Restez sur vos positions, tout en prenant garde à ne jamais vous moquer de ses idées, aussi saugrenues soient elles. Ne dites pas „m’enfin c’est ridicule, c’est pas avec vos trois graines germées que je vais nourrir mon homme“ mais plutôt „J’apprécie beaucoup les conseils que vous me donnez, belle-maman, car je sais que ca part d’une bonne intention, mais ce n’est pas mon style“. Face au prosélytisme agressif, ne pas s’énerver „Saint Vishnou sale pédophile, c’est à cause des religions qu’il y a toutes ces guerres“ mais plutôt „Vous êtes libre de vivre comme vous l’entendez, et je respecte vos convictions, mais je suis libre aussi de ne pas les partager et de ne pas les mettre en pratique, ce qui n’empêche pas que je suis toujours contente de vous voir“. Proposer des activités neutres qui coupent court aux discussions (une partie de carte, un scrabble) et ne jamais lancer des sujets généraux ou d’actualité qui peuvent potentiellement déraper en leçon de morale (la santé, l’éducation, le conflit israélo-palestinien)

Danger: si elle commence à vouloir embridager vos enfants sans votre accord et ne respecte pas vos principes d’éducation. Si vos petits sont en larmes parce qu’elle leur a balancé “le père Noel n’est qu’une invention des méchants capitalistes américains”, sévissez. Pire, si elle use de la peur pour faire passer sa doctrine dans leurs esprits influençables: s’ils font des cauchemars parce que mamie leur a prédit la fin du monde et les flammes de l’enfer selon le calendrier aztèque, vous n’aurez pas d’autre choix pour les protéger que de ne plus les laisser seuls sous sa garde.

La mère poule

Elle n’a pas coupé le cordon. Incapable de lâcher la grappe à son fiston chéri, elle lui téléphone 40 fois par jour, l’abreuve de conseils, s’inquiète sans cesse pour lui (jamais pour vous, bizarrement), et a dangereusement tendance à s’immiscer dans votre couple.

Signes disctinctifs: elle est souvent du sud: une origine italienne, un accent marseillais ou pied-noir… En gros vous avez moins de chances de tomber sur elle si chéri est un bobo parisien élevé par des soixante-huitards, par contre si c‘est un latin lover ou le roi de la pizza, méfiance. Ou alors elle a élevé son fils toute seule; c’est une déçue de l’amour, et elle a reporté toute son affection sur sa progéniture.

Problèmes:
Son absence de limites. Elle débarque à l’improviste, ouvre la porte de la chambre sans prévenir. Elle semble ignorer que vous avez une vie privée, pourtant, vous avez fait trois enfants.
Sa propension à la critique: jamais avare de conseils, elle a des idées bien arrêtées sur le couple, les hommes, la tenue de votre maison, l’éducation de vos enfants, et n’hésite pas à vous le faire savoir. Rien n’est assez beau pour son fils chéri, et surtout pas vous. Beau et intelligent comme il est, il aurait pu trouver mieux: une femme qui lui sert le petit-déjeuner au lit et repasse bien ses chemises, une femme qui sait l‘apprécier à sa juste valeur. Elle, par exemple. Elle sait mieux que personne ce qu’il lui faut, d’ailleurs on se demande comment il peut survivre sans elle. Elle a aussi fâcheusement tendance à vous oublier: chez vous, c’est avant tout chez son fils, et elle tolère assez mal une autre autorité que la sienne.

Avant de finir par avouer, telle Lady Di parlant du prince Charles et Camilla Parker-Bowles „le problème, c’est qu’on était trois dans ce mariage“, réagissez.

Que faire? Attention, cette belle-mère là, c’est Machiavel. Elle est capable de coups fourrés dont vous n’avez pas idée. Elle a tendance à vous considérer comme une rivale dans le coeur de son fils, et telle une amoureuse décue, elle est capable de tout tenter pour le récupérer (mensonges, manipulations, chantage affectif…) Pour la neutraliser, il faut éviter de se placer sur le même plan qu’elle. Vous êtes la femme, elle est la mère, ce sont deux relations différentes. Ne tombez pas dans le piège qu’elle vous tend et qui consiste à vous poser en rivales. Ne montrez jamais que vous craignez son jugement ou son influence sur son fils. Essayez de garder votre calme, mais lancez régulièrement des piqûres de rappel: „Je sais que quand Chéri vivait chez vous, vous aviez l’habitude de… mais aujourd’hui c’est avec moi qu’il vit, nous sommes en couple“.

Danger: Evidemment, avec cette belle-mère, vous ne pourrez rien résoudre définitivement sans l’aide de votre homme: il doit absolument mettre des limites aux débordements de sa mère lorsque votre couple est concerné. Et il ne doit jamais, au grand jamais, tolérer des paroles blessantes à votre égard sans réagir. Si par malchance, Chéri s’avère une vraie chiffe molle incapable de tenir tête à la matrone, et qu’il tolère une attitude grossière de sa mère en votre présence, fuyez et laissez le vivre sa vie de célibataire en tête à tête avec sa chère maman.

La Belle Mère pot-de-colle

Elle pousse la complicité un peu trop loin. Elle est très gentille, trop en fait, c’est ca son problème. Elle a décidé d’être votre meilleure amie, et elle s’y emploie. Malheureusement, vous n’avez pas envie d’être sa meilleure amie, et vous préfèreriez qu’elle vous lâche les baskets. Mais comme elle est très sensible, c’est difficile de le dire, au risque de passer pour un monstre d’égoisme. Car, pas si innocente que ca, elle fonctionne à la culpabilité.

Signes distinctifs: les yeux de chien battu, la petite voix suppliante, dans les mauvais jours. L’enthousiasme débordant, les confidences sur un ton complice, dans les bons jours.

Problème: son omniprésence. Où que vous alliez, quoi que vous fassiez, elle se débrouille toujours pour l’apprendre et vouloir venir avec vous. Bavarde, elle se confie beaucoup à vous, et elle aimerait bien que vous en fassiez autant, malheureusement. Elle vous sollicite beaucoup, vous couvre de cadeaux. Mais derrière cette facade en apparence idyllique, attention au revers de la médaille. Car les cadeaux sont empoisonnés, et elle se vexe pour un rien. Si vous ne portez pas le pull qu’elle vous a amoureusement tricoté, vous lui faites beaucoup de peine. Si vous allez au cinoche avec des copines pour voir un film dont vous avez parlé avec elle, elle boude. Si vous n’avez pas spécialement envie de partir en vacances avec elle, vous lui brisez le coeur. Bientôt, à force de vouloir vivre votre vie sans elle, vous serez une ingrate, et là, attention danger, elle peut changer et basculer dans le profil hystérique.

Que faire? Surtout, ne jamais élever la voix avec elle, elle se mettrait à pleurer et serait capable de raconter à son fils que vous ne l’aimez pas, et que ca lui fait beaucoup de peine. Toujours lui parler sur un ton doux, mais ferme. Poser des limites dès le départ, et s’y tenir. Et ne jamais faire de mensonges pieux, ne jamais se justifier avec de mauvaises excuses. Dire plutôt „Je ne vous ai pas invitée jeudi parce que c’était une soirée entre amis, mais je suis contente que nous ayons réussi à nous voir aujourd’hui, en famille.“ Et faire un grand sourire.

Danger: Quand, envahie par le besoin d’être complice avec vous, elle vous fait des confidences malvenues (sur ses problèmes intimes, la prostate de bon-papa…) et surtout, si elle attend la même chose de vous. Si, telle Barbra Streisand dans “Mon beau-père, mes parents et moi”, elle commence à vous prodiguer des conseils sexo alors que vous n’avez rien demandé. N’ayez pas peur de la blesser avec un refus net, elle s’en remettra, elle est beaucoup moins fragile qu’elle ne voudrait le faire croire.

Le meilleur traitement: lui trouver des amies, des vraies. Car son véritable problème, c’est la solitude. Si vous pouvez, pensez à lui offrir un abonnement à club de bridge ou de yoga, voire à lui payer un voyage aux Canaries en compagnie d’autres retraités célibataires, tout pour qu’elle arrête de reporter son besoin d’affection sur vous.

L’autoritaire:

C’est le sergent chef. Pol Pot, Mao, Staline et tous les grands autocrates de l’histoire ne lui arrivent pas à la cheville. Cette belle-mère là n’aime rien tant que commander, surtout aux membres de sa famille.

Signes distinctifs: Un ton sec et autoritaire, un vocabulaire spécifique, un usage répété de l’impératif „fais ceci, donne, mange, ne va pas“. Ses phrases préférées? „Il faut“, „il ne faut pas“, „tu devrais“, „tu ne devrais pas“. Son métier peut être une indication. Elle est manager, directrice d’école, prof, commissaire de police, gardienne de prison ou Super Nanny sur TF1, bref, elle exerce un métier à poigne et a l’habitude de commander. Elle peut être aussi femme au foyer et projette sur sa famille sa vocation ratée de despote. Si votre chéri est un gentil garçon particulièrement soumis et qu’il vous laisse volontiers porter la culotte, attention: ça cache peut-être la maman autoritaire qui l’a formé.