Je hais l’automne. Tous les ans c’est la même chose: je fais une allergie à cette saison, la plus déprimante de l‘année. Les journées raccourcissent dangereusement, le ciel s’obscurcit impitoyablement et la météo du weekend devient plus propice à une séance de point de croix qu’à un déjeuner en terrasse. La mort dans l’âme, il faut remiser les jolies robes en coton et ressortir les petites laines qui grattent et qui sentent le renfermé. Les odieuses chansons sur l’automne style „colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été“ m’insupportent; et par pitié, épargnez moi les poèmes sur le doux bruit de la pluie qui tombe sur les toits. Le bruit de la pluie m’évoque plus volontiers un lundi cafardeux de novembre qu’un poème de Verlaine! Oui, je hais l’automne, son parfum déprimant de rentrée des classes, et je hais aussi l’hiver qui suivra, et tous les rhumes et les bronchites qui vont avec. D’ailleurs c‘est tellement déprimant que des milliers de gens souffrent tous les ans de dépression saisonnière. Alors non, bien sur, rien à voir avec une allergie à la pluie et aux souvenirs de rentrée des classes: ce qui déclenche ce syndrome dépressif, c’est le changement de lumière observé sous nos latitudes. Certaines personnes y sont plus sensibles que d’autres et leur humeur peut être fortement affectée par cette variation saisonnière; si les symptomes sont trop forts, c’est la dépression saisonnière, judicieusement appelée SAD en anglais: Seasonal Affective Disorder. Cette misérable bestiole touche beaucoup d’entre nous dès septembre-octobre et jusqu’au retour des beaux jours.
De quoi s’agit il exactement?
Sous nos latitudes européennes, la lumière diminue dès le début de l’automne, après l’équinoxe. C’est le cycle des saisons, causé par la rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil. Non seulement la durée de l’ensoleillement diminue de moitié (allant d’environ 16 heures fin juin à seulement 8 heures fin décembre) , mais en plus l’intensité de l’énergie lumineuse est drastiquement réduite: on capte ainsi des variations allant de 100 000 lux lors d’une belle journée d’été à seulement 2000 lux par une journée ensoleillée d’hiver, et à peine 100 lux sous de la lumière artificielle à l‘intérieur. Même lorsqu’il fait beau, notre rétine ne percevra pas du tout la même intensité lumineuse selon que nous sommes en été ou en hiver, et bien évidemment, selon que nous sommes à Cannes ou à Dunkerque. Le spectre des couleurs est également réduit. Tout cela, notre cerveau peut le capter même si nous n’en sommes pas conscients. Et cela va avoir une incidence directe sur nos mécanismes biologiques: le sommeil, l’humeur, le cycle hormonal, l’appétit peuvent être altérés. Notre chronobiologie est un mécanisme complexe et précis, et il est fortement impacté par la lumière extérieure. La sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil, se fait par exemple le soir, lorsque l’obscurité tombe. Le matin, avec la levée du jour, elle doit être à son minimum. La diminution de l’intensité et de la durée de l’exposition à la lumière naturelle a donc une influence certaine sur nos mécanismes internes.
Chaque individu réagit différemment à ces changements. Certains ne le sentent presque pas, d’autres ressentiront de la fatigue et une baisse de l’humeur au changement de saison, certains enfin développeront un véritable syndrome de dépression saisonnière au point d’être gêné dans leur vie sociale et professionnelle. Cela dépend de la personne, de la chimie personnelle de son cerveau; cela dépend aussi de là où on habite: on en souffre moins à Nice qu’à Paris, c’est une évidence, au vu de la différence de latitude et du nombre de jours ensoleillés. Enfin, cela dépend bien entendu de là d’où l’on vient: un provencal habitant le nord, comme dans Bienvenue chez les Chtis, souffrira plus qu’un nordiste. Moi qui suis corse, et forcée de vivre sous des latitudes moins accueillantes, je fais des crises de manque de soleil comme un junkie privé de sa came. Mais il y a pire: je connais des thailandais qui vivent en Islande; ca, c‘est de la dépression saisonnière de haute compétition!
Parmi la panoplie des symptômes de cette joyeuseté, on note: troubles de l’humeur (tristesse, irritabilité), troubles du sommeil (difficulté à se lever le matin, difficulté à s’endormir le soir), changement d’appétit (boulimie, envies de sucré), anxiété, désespoir, baisse de libido, pensées suicidaires dans les cas les plus graves. Ca fait envie, hein?
Que faire?
Le plus logique pour ne pas souffrir de ce méchant syndrome serait de déménager sous des latitudes plus agréables. Certains petits malins l’ont bien compris: l’an dernier, un jeune couple d‘adolescents, pensionnaires d’un internat dans le nord de l‘Angleterre (style Harry Potter, pas vraiment le summum du sea, sex and sun) se sont échappés de leur école pour embarquer sur un vol charter à destination de la République Dominicaine, avec la carte de crédit (volée) de leurs parents. Motif? Ils étaient fatigués du mauvais temps. Certains les qualifieront sans doute d’enfants gâtés faisant un caprice (à 3000 dollars, le caprice, quand même). J’ai tendance à penser qu’ils ont fait preuve de bon sens: pourquoi se déprimer les cellules du cerveau à Manchester quand on peut faire une cure de vitamine D à Saint Domingue? D’ailleurs l’Europe est très mal faite, il faudrait délocaliser toutes les grandes entreprises et institutions. Je propose de déclarer Nice capitale de la France au lieu de Paris, Rome capitale de l’Europe au lieu de Bruxelles, Athènes et Barcelone places financières et non plus Londres ou Francfort. Tant qu’on y est, la sécu pourrait rembourser un voyage obligatoire sous les tropiques en janvier. Avec toute la démagogie dont les politiques nous abreuvent pour nous convaincre de voter pour eux, je ne comprends pas qu’ils n’aient pas encore pensé à ca. Ils ont tant envie que cela d’aller au parlement de Bruxelles? Franchement, les gars, le parlement de Mykonos, ca ne serait pas plus sexy?
Hélas, mes enfants, nous devons nous contenter de l’Europe d’Angela Merkel, comme disent les hommes politiques en campagne. L’Europe de David Guetta à Ibiza, ce n’est pas pour demain. La dépression saisonnière nous guette! Alors en attendant que les voyages hivernaux aux Seychelles soient remboursés par la sécu, et en attendant le réchauffement climatique maintes fois promis, voici quelques conseils (sérieux, cette fois) qui peuvent vous aider à passer l’hiver sans vous immoler par le feu en place publique pour protester contre le manque de lumière.
- Surveillez votre alimentation! Et oui, en se gavant de vitamines et de minéraux on peut combattre les effets négatifs du manque de lumière. Mangez des soupes de légumes et des fruits à gogo. Ca vous redonnera la pêche (ou la banane, selon vos goûts!)
- Prenez des omégas 3- c’est un des grands conseils contre la dépression donnés par le regretté David Servan-Schreiber dans son fameux livre „Guérir“. Les omégas 3 sont excellents pour les cellules du cerveau; si vous n’en trouvez pas assez dans votre alimentation, vous risquez la carence, ce qui peut conduire votre petite cervelle tout droit à la déprime. Vous pouvez les acheter en gélules en pharmacie. Sinon, consommez beaucoup de poissons gras (saumon, sardines, maquereau), des fruits de mer, des noix et des amandes, de l’avocat, entre autres. Indispensable pour ceux qui souffrent de dépression saisonnière!
- Connaissez vous les fleurs de Bach?
Le don docteur Bach a découvert les vertus de certaines plantes et en a fait des élixirs, vendus en pharmacie sous forme de petits flacons de gouttes à mettre sous la langue plusieurs fois par jour; il y a toute une gamme d’extraits de fleurs différentes, avec des noms exotiques, qui traitent une variété de symptômes physiques et psychiques. Pour la déprime automnale, on conseille le walnut (fleur de l’adaptation au changement), le hornbeam (fleur du dynamisme), le mustard (fleur de la stabilité), et la star of bethleem (fleur du réconfort). L’avantage, c’est que c’est de la médecine naturelle, pas de dépendance et pas d’agression chimique. - Faites de la luminothérapie, pour voir la vie en rose! Hélas, il ne s’agit pas des fameuses vacances sous les tropiques remboursées par la Sécu. Sans aller chercher la lumière jusqu’aux Maldives, on peut acheter une lampe spéciale, à placer sur son bureau par exemple, et qui dispense une lumière beaucoup plus intense que celle observée en hiver dans l’hémisphère nord. Cela permettra à votre rétine de capter ces précieux lux qui manquent tant à votre cerveau pendant la saison froide. Ces lampes sont très utilisées dans les pays nordiques, où l’on souffre énormément du manque de lumière. Elles sont faciles d’utilisation, nul besoin de les regarder pendant des heures: on peut simplement en placer une sur son bureau et lire ou travailler à ses côtés, en veillant à ce que la lampe soit dirigée vers les yeux pour capter sa lumière. Utilisez-la davantage le matin (par exemple, en prenant votre petit déjeuner) pour un maximum d’effet.
- Faites de l’exercice. Bougez au maximum, n’hésitez pas à vous rendre en salle de sport et faites le plus d’exercice possible à l’air libre. Le sport libère des endorphines et un tas d’hormones „bien être“ qui vont aider votre cerveau à combattre l’humeur morose causée par le manque de lumière. En plus, ca vous aidera à garder la forme avant de pouvoir remettre le maillot l’année prochaine, alors c’est tout bénèf!
- Passez le plus de temps possible dehors. Même si le maigre soleil d’hiver vous parait insuffisant, c’est toujours mieux que rien. La lumière artificielle aggrave les symptômes de la dépression saisonnière. Couvrez vous si vous êtes frileux et allez marcher au grand air, par tous les temps, dès que vous pouvez; regardez vers le ciel, tentez de capter le plus de lumière possible par les yeux car c’est bien là que ca se joue. La dépression saisonnière est souvent un cercle vicieux: plus on se sent triste, moins on a envie de se bouger et de sortir de chez soi, ce qui aggrave l’intensité des symptômes, etc. Luttez contre l’apathie et forcez-vous à aller prendre l’air. Vous en ressentirez le bénéfice!
- Enfin, dans les cas extrêmes, n’hésitez pas à consulter; sans aller tout de suite jusqu’au psy, l’avis d’un médecin peut être utile. Il prescrira au besoin des compléments alimentaires ou des analyses de sang pour vérifier si vous ne souffrez pas de carences. Non, il ne prescrira pas un voyage sous les tropiques, mais bon, si vous pouvez le faire, n’hésitez pas non plus, petits veinards…